Le picage, je lève le voile ! – Margaux Deman – comportementaliste

 

Le picage ou comportement mutilatoire de la peau et/ou des plumes est malheureusement fortement répandu chez les perroquets en captivité. La grande majorité de nos oiseaux est inévitablement touché par des troubles du plumage mineurs à majeurs.

Malgré la forte proportion d’individus concernés, les explications restent floues, bancales, voire complètement extravagantes. Si vous demandez à des spécialistes ce qu’ils pensent du picage, la plupart vont diront probablement que l’origine est d’ordre psychologique et que seule l’administration d’anti-dépresseurs et la pose d’une collerette permettront d’enrayer le problème.

Pour autant, ces explications et ces solutions ne sont pas efficaces. Elles empêchent simplement l’oiseau de se piquer sans enrayer la cause.

Trouver l’explication, c’est trouver la solution. Si la solution ne fonctionne pas, c’est que l’explication est fausse.

Je pense pour ma part que la première question à se poser est la suivante :

Le picage peut-il être réellement un trouble du comportement d’origine psychologique ?

Pourquoi vouloir mettre le psychologique partout où on le peut avec les perroquets ? Parce que ce sont des animaux effectivement intelligents et sensibles, nous avons malheureusement tendance à interpréter de manière anthropocentrée ce que nous observons.

Naturellement, pour nous, un perroquet qui se pique est un individu qui exprime son mal être psychologique. Naturellement, pour nous, le picage ou la mutilation seront comparés aux troubles du comportement observés chez l’homme.

Mais pourquoi donc ?

Alors que perroquets et humains ne fonctionnent pas du tout de la même façon ! Ces comparaisons n’ont donc pas lieu d’être, à mon sens.

Pourquoi le picage ne peut-il pas être un trouble du comportement d’origine psychologique ?

Je reste convaincue que le picage d’origine psychologique n’existe probablement pas… Je suis convaincue que jusqu’à aujourd’hui les explications comportementales que nous avons pu nous donner sont fausses et dénuées de sens.
Par ailleurs, je suis convaincue qu’il n’existe pas DES picages, mais plus vraisemblablement assez peu de causes à l’origine de la maltraitance des plumes et/ou de la peau.

Comment puis-je oser affirmer cela alors que la plupart s’accorderont à penser le contraire ?

Eh bien simplement, très simplement, parce que si le picage ne peut pas être un trouble du comportement psychologique, c’est qu’il ne fonctionne pas comme TOUS les autres troubles du comportement d’origine psychologique.

Lorsque je traite et observe des troubles du comportement, malgré leur grande diversité, tous partagent ces 3 points communs :
– Le trouble est exprimé en situation (un contexte particulier).
– Le perroquet n’exprimera pas le trouble en dehors du contexte.
– Le trouble est associé à un état d’anxiété chez l’oiseau.

Quelques exemples de troubles du comportement d’origine psy : Stéréotypies, crises d’anxiété, cris excessifs, hyper-agressivité… etc.

Si ces 3 critères sont systématiquement validés dans le cadre du TDC (Trouble Du Comportement), le picage au contraire n’y correspond pas.

En effet, dans la totalité des cas de picage, aucun des perroquets n’exécutera le comportement EN CONTEXTE régulier/précis et aucun des perroquets ne se piquera nécessairement PARCE QU’il se retrouve en état d’anxiété.
Par ailleurs, bon nombre de perroquets peuvent se piquer, se mutiler ALORS QUE le contexte dans lequel ils se trouvent est POSITIF en apparence (par exemple quand l’humain est présent, l’oiseau sorti de sa cage, en séance de jeu ou de caresses), voire NEUTRE (l’oiseau se pique durant sa toilette, ou alors pendant la nuit).

De plus, il est intéressant de constater que les perroquets « malheureux » (stressés, sous-stimulés, maltraités ou mal lotis) développeront inévitablement des TDC, sans pour autant exécuter de picage. L’inverse est parfaitement vraie, des perroquets épanouis (stimulés, équilibrés, bien traités et bien lotis) peuvent très bien développer un picage sans exprimer de TDC.

La seule explication logique est la suivante : Le picage n’est alors pas un TDC d’origine psychologique.

Alors, comment doit-on percevoir le picage ?

Il suffit simplement de trouver la case dans laquelle sont expliqués les comportements anormaux qui n’ont pas de liens avec leur contexte, et cette case s’appelle : SYMPTÔMES. Seuls les symptômes de pathologies sont exécutés en dehors de tout contexte et indépendemment de l’état psychologique de l’oiseau.

Le picage ne doit donc pas être perçu comme un TDC, mais bien comme un symptôme.

Je vous entends déjà me dire : « Mais alors pourquoi la plupart des picages apparaissent après un stress psychologique ? »
Mais quelle bonne question ! 🙂

Effectivement, la grande majorité des oiseaux commence à se piquer après une période de stress psychologique (ex : absence prolongée du propriétaire, changement d’environnement, traumatisme)… tout comme un événement ponctuel de stress physique (variations de températures, changement d’alimentation, reproduction).
Prudence est de rigueur ! C’est aussi à la suite d’un stress psychologique et/ou physique que peuvent apparaître les symptômes de pathologies !

Les oiseaux peuvent être porteurs sains de pathologies durant de longues périodes de temps (semaines, mois, années), puis déclencher la maladie à la suite d’un événement quelconque. C’est alors que les symptômes de la maladie en question surviennent.

Il en est exactement de même avec le picage.

Ce n’est pas le stress qui cause le picage, tout comme ce n’est pas le coup de froid qui cause le rhume ! 
Le stress (physique ou psychologique) reste un simple élément déclencheur.

Le picage doit être perçu comme un symptôme d’un mal être, non pas psychologique, mais physique et mesurable. Les perroquets ne se piquent donc pas « parce qu’ils sont stressés, malheureux, frustrés ou qu’ils s’ennuient », ils se piquent pour de vraies, simples et bonnes raisons : parce que leurs plumes et leur peau deviennent « inconfortables ».

De très nombreuses pathologies peuvent générer un symptôme de maltraitance du plumage et/ou de mutilation (PBFD, proventriculite, aspergillose, tumeurs organiques ou affleurantes, infestation aux parasites intestinaux… etc). C’est également pour cette raison qu’il est un devoir pour les spécialistes en santé aviaire de rechercher LA ou LES causes à l’origine de ce symptôme, plutôt que de conclure à la hâte que l’origine est psychologique et qu’il faille alors mettre Coco sous anti-dépresseurs !

Où et comment orienter ses recherches sur l’origine du picage ?

Je tiens à « rassurer », la grande majorité des picages ne cache pas ce type de pathologies, bien qu’elles ne soient pas à exclure. En revanche, il est clair que cette grande majorité de perroquets concernés partage quelques points communs… Deux, plus exactement.

Au cours de mes rencontres et de mes recherches sur le sujet, j’ai pu constater que les troubles de la peau et du plumage concernaient particulièrement :
1) Des perroquets ayant été mal nourris durant une longue période de temps (nourriture inadaptée, déséquilibrée et/ou trop riche).
2) Des perroquets ayant subi la taille des plumes de vol et/ou n’ayant pas pu exercer le vol en particulier si cette restriction fut précoce ( = concerne les premières années de vie du perroquet = phase de développement physique et physiologique de son organisme).

Ah ! Les choses se précisent enfin.

J’ai pu en effet constater que la plupart des oiseaux qui se piquent ont pour point commun une expérience de taille des plumes de vol, d’absence de vol ou d’enfermement en espace réduit durant leur plus jeune âge. Un point commun entre beaucoup de perroquets piqueurs qui n’avait encore jamais été relevé à ma connaissance !
Pour autant, et c’est également pour cela que ce lien n’avait probablement jamais été fait avant, la plupart de ces individus commencent à se piquer ou se mutiler souvent des mois, voire des années après !

Réaction post-traumatique me direz-vous ?

Bien sûr que non !

L’explication, je la rabache depuis déjà bien longtemps… Les perroquets sont des oiseaux entièrement conçus pour VOLER… et pas qu’un peu ! Le fonctionnement particulier de leur métabolisme PERMET l’exercice du vol. A l’inverse, l’exercice du vol PERMET le bon fonctionnement de leur métabolisme.

Voilà donc l’explication ! Le picage, est la conséquence, entre autre, d’une pratique mutilatoire : La taille des plumes de vol, ou restrictive : L’enfermement en espace restreint. Le picage est également la conséquence d’un régime alimentaire déséquilibré (graines sèches, extrudés, excès de fruits, nourriture de table, sucreries), associé à une activité physique insuffisante.

Voilà pourquoi le picage concerne davantage les oiseaux de compagnie ou encore les oiseaux élévés à la main ! Tout simplement et logiquement parce que ces pratiques ignobles et inadaptées telles que la taille des plumes de vol et l’enfermement en espace restreint concernent AVANT TOUT les oiseaux de compagnie et non les oiseaux d’élevage.

Mais alors, pourquoi se piquent-ils ?

Il s’avère que les oiseaux qui n’ont pas pu exercer le vol de manière suffisante, en particulier dès le plus jeune âge (à une période de leur vie où leur organisme est encore en développement) et qui en plus n’ont pas été correctement alimentés, souffrent de problèmes hépatiques notamment. C’est le foie dysfonctionnel qui provoque indirectement le picage, la mutilation des plumes, de la peau et d’autres anomalies physiques non provoquées par l’oiseau (plumes ternes, peau sèche, griffes ou bec trop long, déformés, lignes de stress, plumes cassantes…ect).

Un foie malade serait à l’origine de sensations physique d’irritations, voire de démangeaisons (prurit). Le perroquet se piquerait donc, non pas parce qu’il exprime un stress ou se pose des questions existentielles, mais simplement parce que ses plumes ou sa peau le grattent !

Par ailleurs, les plumes souvent favorisées par l’oiseau piqueur seront celles encore jeunes et irriguées par l’afflux sanguin. L’oiseau les ingère peut-être pour combler des carences éventuelles ?

D’accord, le perroquet se pique parce que ça le gratte… mais alors, comment expliquer que certains oiseaux restent magnifiques et piquent leurs congénères ?

Vous pensez m’avoir piégé ?

Bien souvent l’oiseau piqueur souffrira de problèmes hépatiques et mutilera son congénère pour se nourrir des jeunes plumes sanguines. On observe le même phénomène en élevage lorsque les parents mutilent leurs jeunes. Il s’agira donc d’une forme de cannibalisme.

Pour résumer :
Absence de vol précoce + alimentation inadaptée -> picage.
Insuffisance du vol + alimentation inadaptée -> picage potentiel.

Il est intéressant de noter que des oiseaux qui subissent la taille des plumes de vol plus tardivement au cours de leur vie ne souffriront pas nécessairement de troubles et ne se piqueront pas forcément.

Il n’existe donc qu’une seule et unique voie de résolution du picage et toute autre forme de mutilation :
1) Rechercher les éventuelles causes pathologiques.
2) Adapter le régime alimentaire pour soulager le foie et éventuellement les autres organes digestifs secondaires, combler les carences (sans surdoser !!!) EN FONCTION de l’espèce, de l’individu (son sexe, son âge) et son mode de vie. (Et c’est dans cette optique que servent les consultations)
3) Encourager l’exercice du vol pour stimuler le métabolisme et améliorer les conditions physiques de l’oiseau.

Pour conclure, aujourd’hui je ne crois plus du tout aux autres explications existantes, qui sont devenues pour moi sans queue ni tête.
Les résultats me le prouvent, mais je sais qu’il faudra du temps et de nombreux exemples pour permettre une transition vers une autre perception de l’oiseau et de ses comportements.

A la vue de toutes ces pratiques inadaptées, ces méthodes inefficaces, traumatisantes et insensées, il est grand temps pour nous, passionnés et professionnels du monde aviaire, de s’interroger et poser un regard nouveau sur la captivité et ses nombreuses problématiques.

Pour plus d’informations, d’explications et d’exemple de résultats page facebook : https://www.facebook.com/Parole-De-Plume-1660225497567631/?fref=ts

Référence

Article complet et issu entièrement de Margaux Deman, parole-de-plume.fr, © 2016