Voilà un sujet qui suscite ENCORE des débats, là où cela ne devrait plus en être un…

Je viens de lire de nombreux articles et avis divergents concernant cette pratique… Que dire ? Qu’est-ce que j’en retiens ? Et tout d’abord, qu’est-ce que la taille des ailes ?

 

La taille des ailes

Schéma de l’anatomie d’une aile, Université vétérinaire de Montréal

Qu’est-ce que la taille des ailes ?

Quelques mots pour remettre un contexte : la taille des ailes est une pratique qui, comme son nom l’indique, consiste à couper les plumes d’une aile. Il y a plusieurs tailles possibles mais la plus « classique » implique le prélèvement des plumes primaires et les plumes secondaires. Cette pratique a ni plus, ni moins, pour but de limiter le vol chez les oiseaux.

 

 

Les ailes : une véritable raison d’être

Je l’affirme dans le titre aux vues de mes recherches et de mon expérience : les ailes sont réellement une raison d’être.

Je m’explique, les plumes sont en réalité des écailles modifiées dont le rôle originel était l’isolation thermique chez les premiers dinosaures à plumes. L’évolution a transformé ces écailles en plumes et a adapté leur structure à un nouveau moyen de locomotion complètement différent des autres vertébrés, à savoir, le vol. Les oiseaux sont alors devenus de véritable « machines » à voler. Leur anatomie, leur physiologie, leur morphologie et même leurs comportements sont adaptés et consacrés au vol. Les oiseaux sont donc en tous points formés pour le vol. Ce dernier et les comportements associés sont gravés dans le génome de ces oiseaux.

Les oiseaux disposent de toute une anatomie spécifique : ils ont des os pneumatiques dénués de moelle, une musculature particulière, un appareil respiratoire performant, une réduction progressive des appendices et une fusion de certains os (tels que les doigts, les vertèbres et les clavicules), un sternum hypertrophié transformé en bréchet servant d’attache aux muscles pectoraux et jouant également un rôle dans l’aérodynamisme…

Vous l’avez bien compris, le vol s’inscrit dans la vie des oiseaux aussi bien physiquement qu’éthologiquement. Il ne s’agit pas seulement d’un moyen de déplacement. Les oiseaux sont faits pour voler et c’est le résultat de millions d’années d’évolution. 

Cela nous poussent alors à nous interroger… Comment pouvons-nous, nous humains, empêcher l’expression de la véritable nature d’un individu, quel qu’il soit, en particulier dans un contexte de captivité ?…

 

La taille des ailes, une pratique indolore et sans conséquences ?

En accord avec des chercheurs, des comportementalistes et des éthologues : la taille des ailes n’est pas sans conséquences.

Comme énoncé plus haut, le vol fait partie intégrante de l’individu lui-même. La privation de vol génère des frustrations, un réel dérèglement physique et psychologique et peut même développer certaines pathologies.

Malgré que les ailes repoussent, certains traumatismes persistent : pour un bon nombre d’individus, la taille des ailes provoqueraient, par exemple, une grande insécurité.

 

En effet, étant dans l’incapacité de fuir les dangers, l’impossibilité de s’envoler engendre un stress permanent. Il a été aussi observé l’apparition de nombreuses stéréotypies (dite stéréotypies d’envol et d’anxiété, liées à l’insécurité, au manque de stabilité et à la perte de confiance en soi : https://nid-information-oiseaux-exotiques.com/2020/10/06/les-stereotypies/).

Aussi, on peut noter une agressivité plus importante chez ces individus, interprétée comme seul moyen pour se protéger d’un danger/d’un désagrément lorsque la fuite n’est pas possible. De plus, ces oiseaux seraient alors plus sujets au picage et à l’obésité ainsi qu’aux problèmes de foie du fait d’un manque d’activité physique... Cette liste n’est certainement pas exhaustive mais cela permet déjà de mieux comprendre les potentielles conséquences de la taille des ailes.

Néanmoins, il semblerait que certains individus ayant eu les ailes coupées n’auraient pas, à ce jour et selon leur propriétaire, de traumatismes apparents. J’imagine que chaque individu est différent et réagit différemment.

 

Cependant, pouvons-nous réellement affirmer que la taille des ailes n’a aucun impact ? A vrai dire, je ne pense pas ! Les faits sont là. La combinaison d’exemples est belle et bien la preuve que la taille des ailes engendre des conséquences. Il me semble donc évident, lorsqu’on s’intéresse au vol comme on vient de le faire, que les oiseaux sont nés pour voler et vivent littéralement en volant. 

 

Quelles sont les véritables raisons de cette pratique ? Quels sont les intérêts et surtout pour qui ?

Cette pratique semble sévir pour plusieurs raisons, à savoir ici quelques exemples entendus et lus :

  • la taille des ailes permet d’apprivoiser et éduquer plus facilement son oiseau
  • un perroquet qui vole peut se blesser
  • un perroquet qui vole peut s’échapper et se perdre
  • une taille des ailes légère permet à l’oiseau de voler mais pas assez pour s’enfuir

Alors à votre avis ? La taille des ailes satisfait qui au final ?

Pour ma part, j’ai plutôt l’impression que la taille des ailes permet de garder un certain contrôle sur ses animaux. Il pourrait s’agir au final presque d’une sorte d’égoïsme en voulant servir ces propres intérêts à savoir : obtenir un oiseau docile. Aussi, et c’est sûrement le cas, il pourrait s’agir d’un amour très profond et surprotecteur souhaitant alors protéger à ton prix son oiseau des divers dangers du monde. Mais après tout, malgré les raisons potentielles :

Lorsque l’on aime, devrait-on pas, justement, réfléchir aux besoins de l’autre ? Prendre sur soi et permettre à son oiseau de vivre pleinement et d’avoir un peu plus de liberté ?

Aujourd’hui, il existe des formations spécifiques. Il est possible de se faire accompagner dans l’éducation de votre oiseau, vous pouvez même être accompagner dans la pratique du vol libre. D’ailleurs, ce dernier exercice est très intense. Les oiseaux virevoltent, prennent plaisir… Aujourd’hui, la taille des ailes n’a donc plus aucune raison d’exister !

 

Est-ce une pratique déjà interdite ? ou encore une pratique à interdire ?

L’arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non domestiques semble le souligner, néanmoins pas forcément de manière claire… citons :

Chapitre 1 : Dispositions communes à la détention d’animaux non domestiques « – disposer d’un lieu d’hébergement, d’installations et d’équipements conçus pour garantir le bien-être des animaux hébergés, c’est-à-dire satisfaire à leurs besoins physiologiques et comportementaux  »

Doit-on interpréter « un oiseau doit pouvoir voler »…?

A ce jour, la pratique n’est donc pas rigoureusement interdite et elle fait débat : en effet, certains pratiquent la taille de ailes de manière « raisonnée » c’est-à-dire uniquement en cas de nécessité. Un exemple pour mieux comprendre : certains mâles cacatoès sont très agressifs envers leurs femelles. La taille des ailes est alors parfois utilisée afin d’empêcher que le mâle poursuive la femelle et l’agresse fréquemment ou ne la tue. La question qui se pose alors est : faudrait-il donc envisager des « exceptions » pour pratiquer la taille des ailes ?

Peut-être pouvons-nous, par la même occasion, réfléchir en amont aux causes des agressions. Celles-ci pourraient être étroitement liées à un espace de vie en captivité trop restreint par exemple…

 

Une histoire intéressante avec la méthode d’empennage ou « Imping » : des plumes pour voler à nouveau

J’ai lu un article sur Facebook assez émouvant d’ailleurs concernant une conure Nanday du nom de Hiraya. Ce dernier a eu les tailles sévèrement taillées. En effet, la taille était assez conséquente puisqu’elle a impliquée la coupe de toutes les rémiges sur ses deux ailes. Vous imaginez bien que jusqu’à présent ses plumes avaient des grandes difficultés à repousser.

En effet, la mue est un processus long : les plumes se régénèrent graduellement tous les 6 à 12 mois. Les plumes les plus abimées sont alors remplacées par de nouvelles plumes, par ci, par là, sur l’ensemble du corps. Durant leur pousse, les nouvelles plumes sont très fragiles et se brisent très facilement, c’est pourquoi elles utilisent aussi les plumes déjà en place pour s’appuyer et se protéger. Dans le cas d’une taille des ailes, vous imaginez bien que remplacer les plumes de toute un aile est un processus couteux en énergie et difficile puisque les jeunes plumes se brisent d’autant plus facilement.

Etant dans l’incapacité de  voler, cela semblait littéralement empêcher cette conure d’interagir correctement avec le groupe du groupe social (à savoir 3 autres conures nanday). Selon son propriétaire, Maxime, Hiraya n’interagissait pas avec les autres et s’isolait souvent du reste du groupe. Il ne jouait pas et n’explorait pas. Toujours dans l’observation et jamais dans l’action. C’est alors que Maxime décide de trouver une solution. A l’aide d’un vétérinaire du nom de Dr A. Brieger, il a été décidé d’avoir recourt à une méthode qui s’appelle le Imping, aussi appelée la méthode d’empennage. Cette intervention, connue dans le monde de la fauconnerie depuis longtemps, consiste à réparer ou remplacer les plumes de vol brisées ou coupées en implantant sur cette dernière une extension d’une autre plume. Cette procédure peut alors redonner partiellement voir complètement la capacité à voler à un oiseau.

Les plumes utilisées proviennent de préférence d’un oiseau de la même espèce ou du moins, du même gabarit. Les plumes de remplacement sont alors coupées aux dimensions souhaitées puis à l’aide de colle et de matériaux légers, la nouvelle plume se fixe à la plume coupée/brisée de l’aile sur l’oiseau.

Après 2h de travail et quelques heures de retour à la maison, Hiraya a alors pu déjà s’exercer au vol ! Il a effectué des traversées de plusieurs mètres, jusqu’à présent irréalisables pour lui. Quelques jours seulement après, il interagissait avec les autres membres de son groupe : ils faisaient des toilettes ensembles, ils étaient sur les mêmes perchoirs, ils pouvaient s’envoler ensemble… Son comportement a totalement changé, ci ce n’est sa vie, grâce à la capacité à voler de nouveau.

 

Conclusion

En accord avec mes recherches, j’espère que cet article vous aura fait réfléchir et vous aura éclairer sur cette pratique. Cette méthode fait encore débat, mais en réalité, elle ne devrait plus l’être. La taille des ailes n’a plus de raison d’exister malgré les « avantages » qu’elle pourrait avoir, les inconvénients sont bien trop nombreux et avérés. Il existe des solutions pour ne pas avoir recours à cette pratique, pour le bien-être de tous.

Morgane Virapin © – février 2021

Références :

M.Deman, 2013, Parole de plume, http://www.parole-de-plume.fr/pages/mes-artciles/la-taille-des-ailes.html

G. Desrochers, 2007, site Centre Aviaire Johanne Vaillancourt, https://perroquet-perroquets.com/tailler-ailes-perroquet.php

I.Langlois, 2013, Centre Hospitalier Université vétérinaire de Montréal, https://chuv.umontreal.ca/le-chuv/hopital-des-animaux-de-compagnie/services-offerts-a-lhopital-des-animaux-de-compagnie/clinique-des-animaux-exotiques/la-taille-dailes/

M.Le Covec, janvier 2020, Dinosaures à plumes, http://blog.dinosauresaplumes.fr/2020/10/20/la-taille-des-plumes-loiseau-qui-ne-pouvait-plus-voler/

M. Riverin, août 2019, Perroquet de Nature, https://perroquetdenature.blogspot.com/2021/01/le-imping-dhiraya-restaurer-la-capacite.html?fbclid=IwAR193aGaW2nO0DCNkN46P-fRl4GfwVxbu33M0fn1NmknJSVbWVcxqqqaZX8

Multitaskman, février 2018, Chaine Youtube Multitaskman, https://www.youtube.com/watch?v=xkDhndmDjcs&feature=share, 15min

M.Tremblay, 2014, Les perroquets en 100 questions, édition Mon oiseau de compagnie, 204 pages.

et de nombreux posts Facebook plus ou moins privés, en particulier ceux d’A.Colin, (juillet 2018), de M.Deman (mai 2020) et de C.Rougier (janvier 2021).