L’Ara Chloroptère : de retour en Argentine

Texte : Morgane Virapin

Dans le cadre de mes études d’ingénieur en Agriculture et Environnement, j’ai eu la grande opportunité de réaliser une année de mobilité internationale et ainsi de travailler au sein d’un projet de réintroduction d’Aras chloroptères, au nord de l’Argentine : le Proyecto Iberà.

Morgane (tout à gauche) et l’équipe sur place transportant deux Aras chloroptères vers le site de relâché, © Matias Rebak

 

Un couple d’Ara chloroptères réintroduit dans le Nord de l’Argentine – © Rafael Abuin

 

 

Le projet Iberà et la fondation rewilding

Le parc national d’Iberà se tient au cœur de la réserve naturelle d’Iberà, dans la province de Corrientes, au nord-est de l’Argentine. Il s’agit de l’une des plus grandes réserves fauniques du pays avec plus de 700 000 hectares de zones protégées.

Carte de localisation de la Réserve d’Ibera au Nord-Est de l’Argentine – © Fondation Rewilding Argentina,

 

Cette zone de conservation, en plus d’abriter de nombreuses espèces en danger critique d’extinction, représente une opportunité unique pour la préservation d’espèces localement éteintes tel que le Fourmilier géant, la Loutre géante, le Pécari à collier, le Jaguar, ou encore nos fameux Aras chloroptères…

Afin de lutter contre cette crise d’extinction massive d’espèces emblématiques et indispensables à nos écosystèmes, la fondation Rewilding a ainsi vu le jour en 2010. Depuis cette date, de nombreux projets de réintroduction ont été mis en place : le projet de réintroduction d’Aras chloroptères est actuellement le seul en Argentine.

Ara chloroptère nous survolant lors du monitoring – © Morgane Virapin

 

L’Ara Chloroptère, une espèce à préserver

L’Ara chloroptère peut atteindre 95 cm de long et peser jusqu’à 1,7 kg – © Sebastian Navajas,

 

L’Ara chloroptère (Ara chloropterus) est un des plus grands perroquets au monde. Il est répandu dans toute l’Amérique du Sud. Cependant en raison de son plumage coloré, il a longtemps été persécuté par les humains. Deux espèces d’aras habitaient autrefois Corrientes : l’Ara hyacinthe malheureusement éteint et l’Ara chloroptère qui a, lui aussi, disparu de la province et du reste de l’Argentine.

La carte de distribution actuelle de l’Ara chloroptère montre qu’il a disparu du nord de l’Argentine – © Birdlife International / Handbook of the Birds of the World 2021,

Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, l’Ara chloroptère est inscrit sur la liste rouge de l’UICN comme espèce de « préoccupation mineure ». Cependant en Argentine, cette espèce est localement inscrite en « danger critique d’extinction ». La réserve naturelle d’Iberà représente alors une occasion unique de retrouver la présence de cette espèce au sein du pays. La réserve possède une vaste zone d’habitat protégé avec suffisamment d’îles forestières qui permettraient à une population stable d’Ara chloroptères de s’installer. Cette espèce joue un rôle clé aussi bien d’un point de vue écologique, en dispersant par exemple les fruits et les graines d’arbres indigènes mais aussi d’un point de vue touristique, culturel et historique.

 

Ilot forestier – ©Morgane Virapin

 

Un long chemin vers la liberté

Le projet s’appuie sur des spécimens initialement sous garde humaine, issus de différents zoos et centres d’élevages. Chaque nouvel oiseau entrant dans le programme subit un check-up sanitaire complet et de nombreux contrôles de santé sont ainsi effectués pour exclure toute maladie pouvant être introduite dans la nature après la libération. Par ailleurs, les oiseaux sont également bagués et sexés.  La quarantaine est également l’occasion de commencer la transition alimentaire vers un régime à base de fruits indigènes.

© Mathias Rebak
Chaque ara récupéré subit un check-up complet durant sa quarantaine

 

              Les Aras chloroptères sont ensuite entrainés au centre écologique d’Aguarà dans la province de Corrientes. Plusieurs mois de formation sont nécessaires avant leur réintroduction au sein du parc. Leurs entrainements comprennent notamment des exercices de vol quotidien et relativement intensifs, ainsi que la reconnaissance de fruits indigènes. Ces étapes sont indispensables pour qu’ils puissent acquérir toutes les compétences nécessaires à leur survie dans la nature : développer une musculature adaptée aux vols longues distances est en particulier un critère essentiel.

Une fois prêt, le groupe d’aras candidats à la réintroduction est amené sur site où les oiseaux sont logés dans des petites cages mobiles suspendues dans les arbres. Ces dernières sont situées en hauteur à l’intérieur de différentes parcelles de forêt, afin qu’ils puissent s’acclimater à leur nouvel environnement pendant quelques jours. Ces cages sont ensuite progressivement ouvertes et des plateaux d’alimentation sont placés à proximité afin d’inciter les aras à explorer les environs. Ces plateaux de rappel sont ensuite placés de plus en plus loin de la cage initiale afin d’augmenter leur distance de vol et afin de les inciter à aller dans les parcelles de forêts avoisinantes.  Ce processus est ensuite réalisé jusqu’à totale indépendance : les oiseaux seront de moins en moins alimentés et les plateaux seront de plus en plus éloignés. Les aras étendent ainsi, au fur et à mesure, leur zone de recherche alimentaire et par conséquent leur territoire.

L’entrainement au vol (© Mathias Rebak,) et une habituation à une alimentation naturelle est également indispensable avant le relâcher (© Sebastian Navajas)

De la grande cage de pré-lâcher à la libération – © Sebastian Navajas

Par ailleurs, chaque ara fait l’objet de monitoring : avant d’être relâché, chaque oiseau est équipé d’un collier émetteur. Grâce à ce dernier, le personnel peut suivre le quotidien et les trajets de chaque oiseau. Ceci permet en particulier de vérifier leur adaptation au milieu naturel, leur reproduction et donc leur survie à long terme.

Chaqua, Ara relâché a été préalablement équipé d’un collier émetteur – © Matias Rebak

Enfin, afin d’encourager à la reproduction et ainsi d’assurer la pérennité de l’espèce, des nichoirs sont placés dans différents grands arbres. En effet, bien qu’une première population d’aras ait été réintroduite en 2015, c’est seulement en 2019 que 2 couples établis ont commencé à utiliser et à défendre certains nichoirs préalablement installés. Un des couples avait alors, à l’époque, pondu pour la première fois mais aucune nichée n’a vu le jour : les œufs avaient été cassés quelques jours seulement après la ponte.  L’année suivante, en septembre 2020, ce même couple a ensuite pondu 3 œufs qui ont cette fois-ci éclos courant octobre. Deux poussins ont ainsi pointé le bout de leur bec : une première au sein du parc national d’Iberà après 150 ans d’extinction !

© Sebastian Navajas
Des couples se sont formés et ont pondu dans les nichoirs fournis – © Sebastian Navajas

 

L’équipe sur place a alors mis en place un suivi pointilleux : pesée, baguage, sexage et aide alimentaire jusqu’à l’envol hors du nichoir. Ces juvéniles qui se sont révélés être deux jeunes femelles, ont également été munis de colliers émetteurs afin de suivre leur évolution. Par ailleurs, ces jeunes sont restés près d’une année avec leurs parents, jusqu’à ce que ces derniers commencent à vouloir se concentrer sur une nouvelle saison de reproduction… Le couple a ainsi continué sur sa lancée et cette année 2023 n’y échappe pas !

 

 

 

 

 

 

 

 

Le développement des poussins fait l’objet d’un suivi pointilleux

©Matias Rebak,© Sebastian Navajas  
© Andy Villarreal
© Sebastian Navajas

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion

© Sébastian Navajas 

Pour conclure, toute l’équipe qui anime le programme Iberà est force de proposition et est décidée à faire face à cette extinction massive de la biodiversité que notre société rencontre aujourd’hui. La préservation de notre biodiversité est un enjeu majeur qui nous concerne tous.

Bien que le projet soit relativement jeune et ait connu des difficultés, l’équipe ne cesse de se remettre en question et cherche activement des solutions pour mener à bien leurs missions.

A travers à la réintroduction d’Aras chloroptères, l’objectif de la fondation Rewilding est d’assurer la pérennité de l’espèce sein du parc national et par conséquent son retour en Argentine. Cet objectif se consolide chaque jour et tend, avec engouement, vers la naissance d’une population d’Aras chloroptères autosuffisante : actuellement une dizaine d’aras vivent en totale liberté et totale indépendance dans la réserve…

Ainsi, un grand merci à la fondation Rewilding pour tout le travail réalisé et pour l’énergie allouée, car grâce à vous, le ciel argentin retrouve aujourd’hui ces couleurs d’autrefois.

Pour plus d’informations : www.rewildingargentina.org/proyecto-iber

Texte : Morgane Virapin