Je vous partage un article de Lisa Longo, consultante en comportement animal !

Que faire quand mon perroquet me mord ?

 

Selon moi, la question « Que faire quand mon perroquet me mord ? » devrait être remplacée par :

« Pourquoi mon perroquet m’a-t-il mordu ? »

et surtout

« Comment éviter les prochaines morsures ? »

Pour répondre à ces deux dernières questions, voyons les réponses fréquemment observés :

 

1. « Il faut ignorer la morsure »

Je comprends pourquoi ce conseil est prodigué. Parfois, les perroquets (particulièrement les jeunes) utilisent leur bec pour tester. De nouvelles matières, par exemple). Donner une attention à son oiseau lors de ce comportement pourrait avoir pour conséquence un renforcement positif. J’ai utilisé mon bec, j’ai eu de l’attention, que faire la prochaine fois que je veux de l’attention ? Utiliser mon bec bien sûr ! 

Quand il s’agit de morsure réelle par contre, j’aimerais, de tout mon cœur, comprendre comment cela pourrait être possible d’ignorer le comportement de son perroquet! 

Je vis avec deux perroquets à la maison, je travaille presque tous les jours avec des perroquets, j’ai travaillé dans un zoo au milieu d’une quinzaine de perroquets, j’assiste le Dr Manderscheid (vétérinaire aviaire) sur des opérations de perroquets. Ce serait vous mentir que de dire que je n’ai jamais subi la moindre morsure de perroquet ! Néanmoins, je pense que la dernière remonte à il y a environ 2 ans.

Voici deux morsures qui m’ont marqué (dans tous les sens du terme) :

– Miti, l’ara Chloroptère :

Alors que je travaillais au zoo d’Amnéville sur le training des perroquets de spectacle, Miti était en face de moi sur un perchoir lorsque je lui ai tendu ma main pour qu’elle y monte.

Mon collègue est passé derrière moi au même moment. Miti m’a mordu le poignet (tellement fort que j’ai gardé une bosse et un bleu pendant plusieurs semaines).

Excusez-moi messieurs-dames les héros mais la morsure d’un chloro n’est pas compatible avec « rester stoïque pendant qu’elle m’arrache le bras ». J’ai bien évidement réagi, premièrement en criant un « Ahhhhahahahah » de douleur, puis en lui ouvrant le bec pour me défaire de cet étau.

Je suis partie, j’étais triste et en colère. Mais certainement pas contre Miti ! Je ne me suis pas demandé si j’avais bien fait de crier ou de retirer mon bras (il était évident que je n’allais pas laisser mon poignet là dedans, elle aurait pu me le casser!), je me suis demandé ce que j’avais fait de mal pour que Miti en arrive à un tel comportement.

Ma réflexion a été de trouver quelle avait été MON erreur.

Après m’être calmé (et bandé le bras), je suis allé voir mon collègue et après une longue conversation et réflexion, nous nous sommes mis d’accord sur le management que nous allions mettre en place (lorsque je travaillais avec Miti, il fallait éviter les déplacements soudains dans la pièce, par exemple).

Devinez combien de fois Miti m’a mordu après ça ? Zéro !

 

– Tia, l’amazone à front rouge : Tia est ma poulette, ma chérie, mon amoureuse, ma fille.  Nous vivons ensemble depuis 7 ans dans la joie et la bonne humeur.

Mes oiseaux disposent d’une volière extérieure avec un accès direct du salon. Chaque jour, lorsque la météo le permet, j’ouvre les cages de mes louloutes, leur demande de monter sur ma main et les amène dans la volière, par la fenêtre du salon.

Ce jour là, comme tous les autres, j’ouvre les deux cages, laisse les louloutes en sortir puis demande à Luna, mon ara ararauna de venir sur ma main. Elle y monte directement et je la dépose dans la volière extérieure.

Je me retourne et voit que Tia, elle, n’est pas sortie de sa cage. Je m’en approche, tend ma main à l’intérieur alors qu’elle est perchée sur un perchoir au fond de la cage et…. PATATRA ! Une belle morsure sur l’index (vous savez, au niveau de la première phalange, là où la chaire est bien tendre !).

Comme pour Miti, je retire ma main, je repars, je ferme la cage de Tia, je fonce faire couler de l’eau sur mon doigt et je m’en veux terriblement !

En étant tout à fait honnête avec moi-même, pendant que le sang coule dans l’évier, je me repasse la scène dans la tête et me souviens très bien que Tia m’avait prévenu avant de me demander plus expressément de partir. Pourquoi ne l’avais-je pas écouté ? Sans doute parce-que, ayant une superbe relation avec elle, j’en avais oublié qu’elle avait aussi son mot à dire.

Après avoir soigné mon doigt (et mon orgueil !), je suis retournée devant la cage, l’ai ouverte, me suis installée sur le canapé et ai attendu (oh… au moins 15 secondes !). La petite poulette verte est sortie, je lui ai demandé de monter sur ma main, elle est monté, puis je l’ai déposé dans la volière.

Alors, la faute à qui ?

La mienne, évidement ! Etait-il trop tôt pour Tia ? Était-elle en train de compter le nombre de jouets dans sa cage et je l’ai interrompue ?

N’avait-elle simplement pas envie de sortir tout de suite ? Peu importe la raison, en ne sortant pas de sa cage, en se mettant sur un perchoir loin de ma main, en ouvrant les plumes de la nuque et en rétractant ses pupilles, elle m’avait gentiment demandé de patienter. Voyant que je ne « l’écoutais » pas, elle a trouvé un autre moyen pour se faire entendre. Efficace, cette fois-ci.

 

2. « Il faut punir le perroquet »

Est-ce vraiment à lui d’être puni ?

Un perroquet qui mord est un perroquet qui aura préalablement prévenu qu’il n’était pas « d’accord avec vous ». Avant d’arriver à un tel extrême, il aura tout tenté pour vous faire comprendre qu’il dit « non ». Exemples : Dilatation et rétractation rapide des pupilles, plumes de la nuque relevées, plumes de la queue ouvertes, bec entrouvert, lancé de bec, grognement, crête relevée, recule…

Si l’on acceptait de respecter le langage corporel de nos perroquets dès le premier signal émis, nous pourrions éviter une très grande majorité des morsures.

Pensez à nous, êtres humains, lors de nos disputes avec nos congénères. Cela ne part jamais d’un coup ! Nous commençons par avoir un ton plus ferme, puis nous fronçons les sourcils, éventuellement nous nous mordons les lèvres, nous détournons le regard, nous crions, fermons les poings, … La bagarre n’arrive que plus tard.

Les perroquets ont une EXCELLENTE lecture de notre langage corporel, la moindre des choses pour nous serait d’apprendre le leur pour leur éviter d’avoir à arriver à un extrême tel que la morsure.

En d’autres termes : si le perroquet mord c’est parce que NOUS manquons de compétence dans la lecture, l’analyse et le respect de son langage corporel.

 

3. « Un perroquet mord, c’est normal ! »

Dans son article « Biting, It’s Not For The Birds », Steve Martin a écrit : Au cours des quinze dernières années, j’ai interrogé de nombreux chercheurs à propos de la morsure et de la dominance chez ces oiseaux (Brice, 1994 ; Munn, 1998 ; Gilardi, 1999 ; English, 2000 ; May, 2001 …).

Avec un total de 35 ans de recherches cumulées, seulement deux chercheurs ont eu l’occasion de voir ou d’entendre un perroquet en mordre un autre assez fort pour le faire saigner. Ces deux incidents étaient associés à la nidification. Le premier cas concernait deux oiseaux se battant pour la cavité d’un tronc alors que le second concernait un perroquet qui attaquait un jeune dans le but de prendre possession du nid dans lequel ce dernier se trouvait.

Les perroquets se mordent très rarement entre eux à l’état sauvage. Par contre, ils montrent souvent des signes d’agression pour protéger leurs ressources, telles que leur territoire, compagnon, perchoir, nourriture … Ces interactions sont pour la plupart limitées au langage corporel (plume de la tête hérissées, dilatation des pupilles …). Parfois, l’agression escalade vers des vocalises ou grognements et quelque fois même jusqu’à un langage corporel plus évident comme le fait d’avancer le bec ouvert vers un oiseau “ennemi”.

Dans la nature, ce langage corporel est généralement suffisant pour dissuader un oiseau intrusif et éviter tout contact physique négatif. »

Certains perroquets en captivité apprennent à mordre pour obtenir ce qu’ils désirent.

Cette agression peut prendre plusieurs formes :

  • Un oiseau pourrait apprendre que mordre le bras de son propriétaire quand il est en train de manger peut lui procurer un morceau de friandise pour qu’il arrête de mordre.
  • Un autre oiseau peut apprendre qu’une morsure au doigt peut lui permettre de rester plus longtemps sur sa cage ou sur l’épaule de son propriétaire (et cela même si le but est de gagner quelques secondes, jusqu’à ce que la personne aile chercher un bâton pour l’en faire descendre …

 

Une fois que le perroquet a mordu une personne pour la première fois, il peut être sur la voie de l’apprentissage : la morsure est un moyen valable pour communiquer avec les humains.

Si chaque propriétaire de perroquet acceptait de prendre la responsabilité de chaque morsure qu’il subit, il serait à même de réfléchir et travailler pour que cela n’arrive plus jamais.

Un perroquet n’en vient pas à mordre par plaisir

Soit il y aura été forcé car son langage corporel n’aura pas été respecté, soit il aura appris à le faire pour obtenir quelque chose de son propriétaire (son retrait, par exemple).

Alors, pour répondre à la question « quelle est la meilleure réaction à avoir après la morsure d’un perroquet ? »;

je réponds : Soignez votre blessure physique, soignez votre égo, acceptez la responsabilité de ce qui vient d’arriver et travaillez pour que cela n’arrive plus jamais !

 

Sources :

Article issu entièrement d’Animal Académie, Lisa Longo, consultante en comportement animal en France, © mai 2018