Voici un article de Margaux Deman, comportementaliste reconnue, que je souhaiterai vous faire partager !

L’isolement social

Bien souvent les futurs acquéreurs se préparent à l’arrivée d’un seul oiseau. Pourtant…

Maintenir un animal aussi sociable en solitaire est une aberration !

Effectivement, avoir un seul perroquet gâté dans une cage dorée, ça se fait. C’est même le cas de la plupart de nos chers volatiles captifs. Ils bénéficient souvent (on l’espère) de l’attention du groupe humain et des soins d’une personne en particulier. 

Les perroquets sont de part leur nature exclusifs, nouant des liens étroits avec un nombre restreint d’individus ( indépendamment de la nature de chaque espèce, mais également de leur expérience sociale).

Les oiseaux élevés seuls, imprégnés en particulier sont prédisposés à s’apparier avec un partenaire humain, et non oiseau, pour la bonne raison que ce mode de vie peut générer un phénomène d’empreinte hétéro-spécifique: l’oiseau orientera ses comportements sociaux et sexuels envers l’espèce qu’il côtoie, ici l’homme.

Les juvéniles sont très adaptables, peu importe le mode d’élevage, ils sont en phase d’apprentissage et les expériences acquises vont contribuer à forger leur identité future. Maintenus en solitaire, ils peuvent s’accommoder d’un tel mode de vie, du fait de leurs grandes capacités d’adaptation (plasiticité cognitive accrue avec le jeune âge). Mais n’oublions pas que ces oiseaux sont et resteront des animaux sauvages (non domestiqués, pour la majorité des espèces captives), avec cette fameuse nature qui les poursuit tout au long de leur vie, leurs propres besoins qui doivent être comblés; question d’équilibre, de bien-être et d’épanouissement.

Les perroquets sont intelligents, ils peuvent apprendre certes, mais accepter la solitude n’est pas compatible à cette nature. En effet, les Psittaciformes sont des proies, ils sont grégaires, c’est à dire qu’ils vivent en groupes, parfois très conséquents (plusieurs centaines à plusieurs milliers d’individus). Le groupe social joue un rôle très important, que ce soit pour l’efficacité dans la recherche de nourriture, la sécurité, les interactions sociales diverses, la reproduction…

Les oiseaux isolés sont vulnérables, et ces effets de groupe ne peuvent se réaliser.

En captivité, l’instinct grégaire est encore parfaitement ancré dans les moeurs de nos amis ailés, et si ce n’était pas le cas, alors ils ne rechercheraient pas autant notre compagnie faute de disposer de celle de leurs semblables. D’ailleurs, les nouveaux propriétaires de jeunes oiseaux, ou d’oiseaux adultes ayant vécu à plusieurs constateront des crises d’anxiété quand il est temps de s’absenter. Les individus isolés peuvent lancer des cris d’appel pendant plusieurs minutes, voire plusieurs heures ! Ces comportements s’estompent avec le temps, avec l’apprentissage et l’habituation, mais si le perroquet est capable de s’en accommoder en apparence, cela ne signifie pas que cette situation lui est tolérable.

Autre point important, la monogamie permanente chez le perroquet. La plupart des Psittaciformes forment des couples, soudés à vie ou pour des périodes longues. Il en est de même en captivité, peu importe le mode d’élevage.

Un perroquet EPP qui subit l’absence de congénères pourra former un couple avec une autre espèce (de substitution) dont l’homme. 

Les jeunes sont souvent très sociables, avec tous les membres de la famille au début, puis avec l’âge ils restreignent leurs interactions avec un petit nombre de personnes et d’animaux, qu’ils considèrent comme appartenant au groupe social (bien que celui-ci ne soit pas constant pour de nombreuses espèces). Il s’agit d’un processus naturel de sélection des partenaires sociaux. Dès le plus jeune âge le perroquet se prépare à s’apparier. Si l’heureux élu est un humain, alors de nombreux problèmes peuvent surgir à l’avenir, en particulier quand l’oiseau atteint sa maturité sexuelle et que ses comportements reproducteurs viennent à s’exprimer.

Une fois adulte un perroquet va régulièrement entrer en période de nidification, un phénomène cyclique déclenché par des facteurs environnementaux. Une phase durant laquelle il exprimera un désir de reproduction. Il est évident qu’un humain ne peut répondre à une telle demande. Un fait qui s’avère frustrant pour un perroquet mature, partenaire du couple hétéro-spécifique qu’il pense former. 

Durant ces périodes, les perroquets peuvent être agressifs avec les autres membres du groupe (entourage direct), voire envers l’humain élu qui ne répond pas à leur demande. La frustration, la solitude, l’incompatibilité des rythmes de vie humain/oiseau peuvent amener l’animal à exprimer de graves troubles du comportement : cris excessifs, agressivité, stéréotypies, voire picage.

Des troubles récurrents qui poussent de nombreux humains à se séparer de leur oiseau, au moment de la puberté notamment, période durant laquelle les comportements « indésirables » sont exacerbés.

Le congénère est essentiel à l’équilibre de tout perroquet. Un oiseau solitaire peut très bien ne jamais montrer de signe explicite de frustration, d’anxiété ou d’ennui liés à l’absence du groupe permanent. Mais cela ne signifie pas que cet individu s’épanouit malgré la contrainte. Il en souffre sans pour autant l’exprimer aussi significativement que d’autres. Est-ce une raison pour ne pas répondre à ce besoin à part entière ? Offrir un congénère est donc essentiel.

Même si les oiseaux ne s’entendent pas au point de s’apparier, la présence de l’un est bénéfique à l’autre, car, comme expliqué précédemment, ces animaux sociaux se sentent en sécurité uniquement en présence du groupe social.

Bien souvent les propriétaires ont peur de perdre la complicité qu’ils entretenaient avec leur unique perroquet. Il s’agit là d’une crainte injustifiée, et pourtant encore très répandue. Si l’autre oiseau permet d’exprimer tous les besoins sociaux-interactifs et comportements reproducteurs, l’ami humain n’est pas délaissé pour autant. Des perroquets qui ont un bon contact avec leur soigneur ne rechigneront pas à passer du temps avec lui.

Il ne devrait donc pas être envisagé de n’adopter qu’un seul perroquet pour toutes ces raisons et d’autres encore.

Cependant, l’adoption d’un second perroquet n’est pas une décision à prendre à la légère, pour arriver à épanouir les 2 oiseaux, à les faire s’accepter notamment, il est nécessaire de procéder par étapes et en douceur pour une intégration réussie.

 

Référence

Margaux DEMAN, parole-de-plumes.fr, copyright 2013