Il semblerait que le rougissement ne soit pas le propre de l’Homme… J’aimerai vous partager ici une étude réalisée par une équipe de chercheurs français sur l’émotivité des Aras du Zoo de Beauval !

Les Aras rougissent d’émotion !

Vous n’êtes pas sans savoir qu’une partie des joues et du pourtour des yeux de l’Ara bleu et jaune (Ara Ararauna) est dénuée de plumes… Et peut-être que vous avez déjà remarqué un certain rougissement de ces zones… Et bien, des chercheurs ont décidé de s’y pencher un peu plus et se sont aperçus cette peau blanche avait tendance à rougir lors des différentes interactions des individus entre eux !

 

A propos de l’expérience 

L’expérience a été dirigée par Aline BERTIN, chargée de recherche à l’INRA. Le principal objectif de l’étude a été d’approfondir la communication visuelle chez les perroquets. En effet, on a encore beaucoup à apprendre sur eux ! Par ailleurs, celle-ci est bien plus difficile que chez les primates, qui eux, disposent de muscles faciaux permettant des expressions plus facilement objectivables.

Pour se faire, l’équipe de recherche a photographié et filmé 5 oiseaux durant l’ensemble de leurs déplacements et interactions. L’équipe s’est notamment focalisée sur trois éléments :

  • la position des plumes du dessus de la tête
  • la position des plumes de la nuque
  • la position des plumes sur les joues

10 séances ont été mené avec chaque oiseau sélectionné au hasard. L’individu était alors transporté à quelques mètres dans une volière vide et équipée d’un perchoir familier ainsi que d’un caméscope. Tous les oiseaux, au nombre de cinq, étaient habitués à être manipulés, en particulier pour l’entraînement quotidien et la pesée.

Chaque séance était composée de deux phases :

  1. Une phase d’interaction mutuelle : le soigneur interagit activement avec l’oiseau en le regardant et en lui parlant
  2. Une phase de contrôle : le soigneur était présent mais n’interagissait pas avec l’individu. Notamment, en lui tournant le dos.

Cette deuxième phase a notamment permis d’observer si les oiseaux exprimaient un ‘comportement de recherche’ envers l’humain. Par exemple, si l’oiseau essayait de saisir les vêtements du soigneur avec son bec ou ses pattes, s’il cherchait à établir un contact quelconque…

A propos des résultats

Quelques photographies pour commencer :

en A) vous avez la zone cible qui correspond à la zone qui a été observée pour l’interprétation des séances. Il s’agit donc de la zone utilisée pour estimer la présence ou l’absence de rougissement

En B) vous avez une photographie où le jury a considéré le rougissement présent dans la zone cible.

Enfin, en C) voici un cas où aucun observateur n’a jugé un rougissement présent dans la zone cible.

(Photographies A.Beraud)

rougissement perroquet

 

L’étude révèle donc plusieurs éléments :

  • Les plumes de la tête, de la nuque et des joues étaient plus fréquemment ébouriffés lors d’activité ne requérant pas de locomotion, c’est-à-dire durant la mastication, l’entretien, les interactions sociales, le repos.
  • Les plumes de la calotte étaient plus souvent dressées pendant les interactions directes avec les soigneurs que lors des phases sans interactions mutuelles.
  • Par ailleurs, une proportion significative d’observateurs ‘naïfs’ de l’expérience (jury de 4 personnes) a jugé une différence de coloration, avec la présence d’un rougissement, entre les moments d’interactions mutuelles (phase 1) et les moments sans interactions (phase 2)

Ainsi, cette expérience souligne la présence de variations significatives dans les affichages faciaux et la couleur de la peau nue des Aras, en fonction du contexte social et de l’activité des oiseaux.

Par ailleurs, le rougissement avait déjà été signalé dans 12 ordres aviaires différents. Cependant il était jusqu’à présent étroitement liée à l’afflux sanguin des tissus vascularisés, sans origine, ni fonction bien définies. (Negro JJ, Sarasola JH, Farinas F, Zorrilla I, Function and occurence of facial blushing in birds). Les raisons du rougissement des perroquets n’avait donc pas formellement été identifiées, néanmoins, cette étude ci présente permet notamment de se questionner sur la compréhension que nous pourrions développer quant à la sensibilité des oiseaux.

Alice Bertin souhaite de ce fait aborder la question de la détention de ce type d’animal et en particulier les conditions de captivité. Elle souligne : « Cela ne choque personne de voir des perroquets en animaleries dans une cage, alors qu’on ne voit plus de primates. Il y a un décalage… »

Beaucoup d’inconnus restent actuellement présents concernant l’émotivité des perroquets et l’expression de leur sensibilité, beaucoup plus difficile à caractériser en comparaison avec d’autres animaux tels que les primates.

Ces connaissances appliquées permettent de se questionner sur la captivité de nos perroquets, de contribuer à améliorer leurs conditions de détention et, dans la mesure du possible, de définir des indicateurs de bien-être.

 

Chaque information, expérience, aussi brève ou complexe soit-elle, apporte une brique à l’édifice. Bientôt, peut-être, pourrons-nous définir divers indicateurs d’émotions positives pour nos Aras afin de leur rendre la captivité bien plus douce.

 

Référence

Aline Bertin, 2018, Facial display and blushing: Means of visual communication in blue-and-yellow macaws (Ara Ararauna), article disponible en ligne : https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0201762, consulté le 27/05/21

 

Coline Burlet et Morgane Virapin © – mai 2021